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Texte philosophique – René THOM : « Stabilité structurelle et morphogenèse, Interéditions » (1972)

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« Des deux points de vue traditionnellement opposés en Biologie, le point de vue  vitaliste et le point de vue réductionniste, c’est, contrairement à l’opinion courante, le point de vue réductionniste qui est métaphysique, car il postule une réduction des faits vitaux à la pure Physico-chimie qui n’a jamais été établie expérimentalement. Au contraire, le vitalisme s’appuie sur l’ensemble impressionnant des faits de régulation et de finalité qui couvrent la presque totalité des activités vitales.

La querelle est au fond assez vaine : bien des propriétés, physico chimiques, de la matière nous sont encore inconnues ; le vieux rêve atomiste, reconstruire notre univers et toutes ses propriétés qualitatives par le seul jeu de la combinatoire des particules élémentaires et de leurs interactions n’est qu’un programme à peine amorcé (rappelons, par exemple, qu’il n’existe aucune théorie acceptable de l’’état liquide de la matière…). Le biologiste, s’il veut progresser et comprendre les processus vitaux, ne peut attendre que le physico-chimiste lui offre une théorie complète de tous les phénomènes locaux rencontrés dans la matière vivante. Il s’efforcera seulement de construire un modèle localement compatible avec les propriétés connues du milieu, et de dégager la structure géométrico-algébrique qui assure la stabilité du système sans s’efforcer d’atteindre à une description exhaustive du métabolisme vital.

Ce point méthodologique va à l’encontre de la philosophie dominant actuellement, qui fait de l’analyse d’un système en ses ultimes constituants la démarche première à accomplir pour en révéler la nature. Il faut rejeter comme illusoire cette conception primitive et quasi cannibalistique de la connaissance, qui veut que connaître une chose exige préalablement qu’on la réduise en pièces, comme l’enfant qui démolit une montre et en éparpille les rouages pour en comprendre le mécanisme. »

 René THOM, Stabilité structurelle et morphogenèse, Interéditions, 1972, p. 158

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